Une œuvre de Fernand Pouillon menacée à Marseille
Une œuvre de l’architecte Fernand Pouillon, la Station sanitaire du port de Marseille, est menacée de démolition. Cette menace qui porte sur un édifice situé stratégiquement dans le site d’Euroméditerranée n’est pas nouvelle. Des projets de démolition ont alterné avec des hypothèses de reconversion restées infructueuses, et, depuis dix ans, le bâtiment appartenant aux Domaines s’est dégradé par manque d’entretien. Les institutions de conservation du patrimoine ont déploré cette situation et ont réussi jusqu’à présent à contenir les volontés de destruction le concernant, mais sa disparition est aujourd’hui programmée et elle vient d’être annoncée. La valeur patrimoniale de l’édifice est pourtant reconnue. Il est labellisé Patrimoine du XXe siècle et a bénéficié ces dernières années de plusieurs publications dans des ouvrages et des revues, et aussi dans le dossier « Patrimoine portuaire » de la très « officielle » revue Monumental (Monum - Editions du Patrimoine, annuel 2003). Les arguments pour le créditer d’une réelle et forte valeur patrimoniale et plaider pour sa conservation ne manquent pas. Nous en citerons trois :
Le premier argument concerne le prestige de son auteur.
L’édifice est réalisé en 1948, au moment où Fernand Pouillon et René Egger étaient associés. Il apparaît comme une œuvre de transition entre les bâtiments rationalistes d’avant-guerre et ceux de la période de la Reconstruction marqués par l’esprit de la modernité classique et la recherche d’un syncrétisme méditerranéen. Architecte local d’envergure internationale, Fernand Pouillon est aujourd’hui considéré au-delà même de nos frontières et son œuvre construite doit bénéficier d’une attention particulière. Pour les spécialistes et les amateurs d’architecture du XXe siècle, les édifices marseillais de Fernand Pouillon sont devenus – à côté de l’Unité d’Habitation Le Corbusier – des lieux de visite incontournables. A Aix-en-Provence son œuvre a été très dégradée avant d’être enfin reconnue. Il ne faut pas qu’il en soit de même à Marseille. Détruire la Station sanitaire serait méconnaître la place que tient aujourd’hui dans notre culture l’héritage de Fernand Pouillon et l’actualité de sa posture et de ses œuvres, attentives avant l’heure à répondre au critère de durabilité et à exprimer sans mièvrerie une identité locale.
Le deuxième argument concerne la qualité du projet proprement dit, son contenu et son programme.
A ce sujet, la Direction Régionale des Affaires Culturelles PACA est explicite : « (…) Les aménagements intérieurs ont fait l’objet, dans la mise en œuvre et le choix des matériaux, d’un soin extrême : sols en pierre polie ou en grès, parois du hall sud en pierre dure, comptoir d’accueil décoré de faïences de Pierre Sourdive, comptoir de sortie en bois d’une grande élégance, de même que le dessin de l’escalier sud. La station sanitaire constituant à sa livraison une sorte de prototype, les installations techniques furent très remarquées. (…) Enfin, sur le plan de la fonction, le bâtiment s’inscrit dans la tradition médicale, et plus particulièrement de contrôle sanitaire de Marseille : la ville a longtemps été à l’avant-garde dans ce domaine, en tant qu’accès en métropole. (…) ». Elément du dispositif portuaire et de santé, la station sanitaire est en effet l’héritière des lazarets des XVIIIe et XIXe siècles. Dès 1949 elle permet la désinfection des passagers qui arrivent à Marseille par les voies maritimes et aériennes, le dépistage des cas douteux et la prise en charge des malades. Son impressionnant dispositif de désinfection, toujours en place, en fait un « bâtiment machine » particulièrement évocateur et fascinant, qui est sans doute unique au monde. C’est un élément fort de la mémoire de la ville portuaire, ainsi que des espaces de la médecine à Marseille.
Le troisième argument porte sur ce qui précisément semble aujourd’hui le condamner : sa situation urbaine.
La Station sanitaire est au cœur de deux ensembles cohérents d’édifices qui présentent pour chacun d’eux un intérêt culturel de premier plan et qui fondent une part importante de l’identité et du paysage spécifique de Marseille. D’une part, l’ensemble des réalisations conçues dans le centre ville par Fernand Pouillon et René Egger : Immeubles du quartier reconstruit du Vieux-Port (La Tourette, alignement du quai…), Hôtel de Police, « Building » Canebière, Lycée Technique Colbert, etc. D’autre part, l’ensemble des constructions portuaires avec, tout près, les deux bâtiments de la Consigne à l’entrée du Port (l’un d’eux est le « bureau de santé » du XVIIIe siècle), le dock-entrepôt, le silo, le lazaret du Frioul, sans parler bien sûr de l’imposante infrastructure portuaire elle-même. Située au cœur et au croisement de ces deux systèmes, la Station sanitaire est porteuse d’un très fort potentiel patrimonial.
Le premier argument concerne le prestige de son auteur.
L’édifice est réalisé en 1948, au moment où Fernand Pouillon et René Egger étaient associés. Il apparaît comme une œuvre de transition entre les bâtiments rationalistes d’avant-guerre et ceux de la période de la Reconstruction marqués par l’esprit de la modernité classique et la recherche d’un syncrétisme méditerranéen. Architecte local d’envergure internationale, Fernand Pouillon est aujourd’hui considéré au-delà même de nos frontières et son œuvre construite doit bénéficier d’une attention particulière. Pour les spécialistes et les amateurs d’architecture du XXe siècle, les édifices marseillais de Fernand Pouillon sont devenus – à côté de l’Unité d’Habitation Le Corbusier – des lieux de visite incontournables. A Aix-en-Provence son œuvre a été très dégradée avant d’être enfin reconnue. Il ne faut pas qu’il en soit de même à Marseille. Détruire la Station sanitaire serait méconnaître la place que tient aujourd’hui dans notre culture l’héritage de Fernand Pouillon et l’actualité de sa posture et de ses œuvres, attentives avant l’heure à répondre au critère de durabilité et à exprimer sans mièvrerie une identité locale.
Le deuxième argument concerne la qualité du projet proprement dit, son contenu et son programme.
A ce sujet, la Direction Régionale des Affaires Culturelles PACA est explicite : « (…) Les aménagements intérieurs ont fait l’objet, dans la mise en œuvre et le choix des matériaux, d’un soin extrême : sols en pierre polie ou en grès, parois du hall sud en pierre dure, comptoir d’accueil décoré de faïences de Pierre Sourdive, comptoir de sortie en bois d’une grande élégance, de même que le dessin de l’escalier sud. La station sanitaire constituant à sa livraison une sorte de prototype, les installations techniques furent très remarquées. (…) Enfin, sur le plan de la fonction, le bâtiment s’inscrit dans la tradition médicale, et plus particulièrement de contrôle sanitaire de Marseille : la ville a longtemps été à l’avant-garde dans ce domaine, en tant qu’accès en métropole. (…) ». Elément du dispositif portuaire et de santé, la station sanitaire est en effet l’héritière des lazarets des XVIIIe et XIXe siècles. Dès 1949 elle permet la désinfection des passagers qui arrivent à Marseille par les voies maritimes et aériennes, le dépistage des cas douteux et la prise en charge des malades. Son impressionnant dispositif de désinfection, toujours en place, en fait un « bâtiment machine » particulièrement évocateur et fascinant, qui est sans doute unique au monde. C’est un élément fort de la mémoire de la ville portuaire, ainsi que des espaces de la médecine à Marseille.
Le troisième argument porte sur ce qui précisément semble aujourd’hui le condamner : sa situation urbaine.
La Station sanitaire est au cœur de deux ensembles cohérents d’édifices qui présentent pour chacun d’eux un intérêt culturel de premier plan et qui fondent une part importante de l’identité et du paysage spécifique de Marseille. D’une part, l’ensemble des réalisations conçues dans le centre ville par Fernand Pouillon et René Egger : Immeubles du quartier reconstruit du Vieux-Port (La Tourette, alignement du quai…), Hôtel de Police, « Building » Canebière, Lycée Technique Colbert, etc. D’autre part, l’ensemble des constructions portuaires avec, tout près, les deux bâtiments de la Consigne à l’entrée du Port (l’un d’eux est le « bureau de santé » du XVIIIe siècle), le dock-entrepôt, le silo, le lazaret du Frioul, sans parler bien sûr de l’imposante infrastructure portuaire elle-même. Située au cœur et au croisement de ces deux systèmes, la Station sanitaire est porteuse d’un très fort potentiel patrimonial.
En conclusion, il est difficile d’imaginer que dans l’économie générale riche et complexe du projet de restructuration de ce quartier central, cet édifice, important « marqueur » de la culture de la ville, ne puisse pas trouver (tout simplement rester à) sa place. Il ne faut pas que le grand projet de « Marseille capitale culturelle 2013 » soit entaché dans sa préparation par un acte qui nierait précisément la culture architecturale et l’histoire de la ville. Il faut au contraire restaurer et reconvertir la Station sanitaire pour qu’elle participe, au cœur du dispositif urbain en cours de recomposition, aux fonctions de mise en valeur et d’affirmation de son patrimoine culturel.
Premiers signataires :
Jean-Lucien Bonillo, Président du Conseil d’administration de l’école nationale supérieure d’architecture de Marseille. André Jollivet, Président de la Maison de l’Architecture et de la Ville PACA. Marc Dalibard, Président du Conseil régional de l’Ordre des architectes PACA. Jean-Paul Cassulo, Président de l’Union régionale des syndicats d’architectes PACA. André-Jacques Dunoyer de Segonzac, Membre de l’académie d’Architecture, Membre correspondant de l’Institut. Rudy Ricciotti, Grand prix national de l’architecture. Jean-Michel Battesti, Architecte conseil du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, Membre de la commission des sites des Bouches-du-Rhône. Jean-Luc Perez, Conseiller régional de l’Ordre des architectes PACA. Xavier Babikian, Président du Syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône. Michel Benaim, Président du Syndicat des Architectes de la Côte d’Azur. Didier Bonnet, Conseiller régional de l’Ordre des architectes de la région PACA, Président du Syndicat des architectes du Var. Gérard Monnier, Professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Pierre Clément, Architecte, Ethnologue, Professeur à l'école d'architecture de Paris-Belleville. Régis Daniel, Architecte consultant de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, Prix SOUFFACHE 2005 de l'académie d'architecture. Jean-Louis Champsaur, Conseiller national de l’Ordre des architectes. Nicolas de Barbarin, Directeur artistique et culturel du CAUE des Bouches-du-Rhône. Thierry Durousseau, Architecte conseil, Historien patrimoine XXème siècle. Pascal Duverger, Président de l’Association pour la Restauration et la sauvegarde du Patrimoine du Pays d’Aix (ARPA), vice-président de l’association des architectes du patrimoine. Alberto Ferlenga, Directeur de l’Ecole de Doctorat de l’Université IUAV de Venise. Franck Gautré, secrétaire de l'association Les Pierres sauvages de Belcastel. Jean-Jacques Gloton, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, Professeur émérite d'Histoire de l'Art moderne à l'Université de Provence. Eugénie Grandval, Cinéaste. Jean-Marie Guillon, Professeur à l’Université de Provence. Bernard Heams, Vice-Président du Conseil régional de l’Ordre des architectes PACA. Claude Massu, Professeur d’Histoire de l’Art à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Nicolas Mémain, Visiteur d’architecture moderne. Claude Parent, Architecte, Professeur à l'Ecole spéciale d'architecture à Paris, Grand prix national de l'architecture 1979, Président de l'Académie d'Architecture, Membre de l'Académie des Beaux-Arts. Philippe Prost, Prix du livre d'architecture 2008. Frédéric Ragot, Conseiller national de l’Ordre des architectes. Jean-Baptiste Renucci, Médecin, Président de l’association Quai du Port / Fernand Pouillon. Régis Rioton, Conseiller national de l’Ordre des architectes. Catherine Sayen, Présidente de l’association Les Pierres sauvages de Belcastel. Gérard Traquandi, Peintre. Philippe Vesco, Conseiller régional de l’Ordre des architectes. Corinne Vezzoni, Architecte.